Victor
MARTIN
INTRODUCTION
PLUS DE TRENTE ANS APRES
......Je
me suis élevé à B… jusqu'à l'âge
de treize ans ; aussitôt levé et habillé,
envolé l'oiseau, je partais par les champs et les bois.
A douze ans, j 'avais parcouru tout le pays ; à dix kilomètres
à la ronde, je connaissais chaque détour de ruisseau,
chaque fente de rocher, les grottes des carrières, les
touffes des noisetiers dans les prés, et la forêt
de l'Espinasse dans son entier. Un instinct sauvage me poussait
hors de la maison, me conduisait on ne sait où, et le
monde ne me paraissait pas immense, je pensais bien qu'avant
peu j'en atteindrais les horizons.
......Vers huit ou neuf ans, suivi
de mon fidèle camarade et ami Alexandre, de deux ans
moins âgé que moi, je me perdais déjà
au loin par les campagnes à la recherche des nids, n'ayant
nulle crainte d'aucune chose, le danger ne m'étant pas
connu. Un jour d'escapade printanière, nous vîmes
un joli merle noir sortir d'un aulne en rasant le sol. Nous
regardons si bien partout que nous finissons par découvrir
le nid qui contenait cinq beaux oeufs d'un bleu vert.
......Ma joie fut débordante,
profonde, immense ; je sais un nid, pensais-je tout le jour,
un joli nid de merle encore, le long du ruisseau de Lasprate.
......Nous venions souvent voir
ce berceau charmant, pas assez souvent à notre guise
cependant, car nous avions crainte que la mère l'abandonnât.
Déjà à cette époque, je savais que
l'oiseau déserte parfois son nid lorsque l'homme a regardé
dedans ; aussi nous ne venions visiter le nôtre qu'avec
de grandes précautions.
......La mère couvait immobile,
tête rabaissée, dès qu'elle nous entendait
arriver sur la pointe des pieds en chuchotant.
......Au-dessous d'elle l'eau fuyait
rapide comme une caresse chantante qui passe sans arrêt
pour bercer des petits. Le nid était caché dans
les racines d'un arbre mises à nu par le courant, et
des petits naquirent en effet. Notre joie redoubla. Par malheur,
un soir après quatre heures, nous trouvâmes un
reptile enroulé sur les oisillons ; nous eûmes
de ce fait une grande surprise et beaucoup de peine !
......Nous lançâmes
des pierres au monstre, de la terre des taupinières des
prés que nous prenions à deux mains. Le serpent
siffla et ne voulut pas s'en aller. Nous n'avions pas de bâton,
pas de couteau non plus pour en couper un afin de le chasser.
Nous refîmes alors le long chemin de la maison pour venir
chercher des armes.
......Arrivé chez nous,
je pris un bâton de houx armé d'un clou acéré,
tandis qu'Alexandre se pourvut chez lui d'une forte trique deux
fois haute comme lui.
......Le reptile audacieux n'eut
pas beau jeu : je le fis sauter dans le courant qui l'emporta.
M'élançant alors dans l'arbre, j'arrachai le nid
à deux mains.
......Je ne fus pas content.
......Les petits étaient
encore vivants mais ils n'étaient point beaux. A la grande
lumière du jour, ils apparaissaient avec le crâne
rouge et nu, sans plumes. Un fin duvet les recouvrait bien un
peu, mais leurs têtes étaient vraiment trop grosses
et ils avaient d'énormes yeux qu'ils n'ouvraient pas
et boursouflaient leurs paupières noires. J'étais
fortement déçu, et je me mis à calculer
dans ma cervelle de pinson de neuf ans, qu'ils mettraient bien
au moins trois mois pour devenir des merles capables de siffler.
En tout cas, il fut convenu entre nous, dénicheurs, qu'ils
seraient soignés d'importance, et que nous en aurions
chacun deux d'abord, le plus petit qui est toujours un siffleur,
devant être tiré à la courte paille, ce
qui fut fait. J'eus alors trois des pauvrets par un hasard de
fortune. Il fut entendu, en outre, qu'il fallait à chacun
de nous un père pour siffler et une mère pour
pondre des œufs et avoir des petits, et que nous ferions des
échanges plus tard si besoin était.
Hélas ! les oisillons trop jeunes moururent dès
le lendemain malgré nos soins prodigués à
l'excès, et Alexandre me dit que la vipère les
avait tous piqués. Je ne dénichai plus alors,
avant longtemps, les nids, mais gardai fidèle en ma mémoire,
comme une règle de conduite, d'avoir toujours un couteau
dans ma poche.
......J'avais appris à nager
de fort bonne heure, et quand, vers onze ans, mon père
me conduisit à l'étang pour me donner ma première
leçon de natation, je grimpai lestement sur le bâti
en bois de la bonde d'échappement et fis très
correctement un beau petit plongeon dans la profondeur des eaux.
Le pauvre homme comprit d'un seul coup qu'il s'y était
pris trop tard et sa surprise finit dans un grand rire.
......Un dimanche soir, vers l'âge
de douze ans, en compagnie d'Alexandre et d'un autre sauvage
comme moi, j'avais visité la mine de Deneuille, désertée
pour un jour de repos et distante de six ou sept kilomètres
de ma maison. Comme des chats souples agiles, nous nous étions
glissés dedans par le plan incliné, nous tenant
d'une main accrochés au câble d'acier, la bougie
au poing, les allumettes-tisons faisant feu dans les courants
d'air. Nous suivîmes les galeries, examinâmes les
bois éclatés sous la poussée irrésistible
des couches de charbon, barbotâmes à deux pieds
dans les ruisseaux de boue qui courent le long des parois, pénétrâmes
dans l'écurie à claire-voie des trois énormes
chevaux entiers.
......Nous avions grimpé
dans les pentes basses des chantiers en exploitation, nous avions
essayé des pics, allumé des lampes à huile,
monté par des échelles, visité toute la
mine, presque aussi bien qu'avec un contremaître, mais
j'avais failli tomber dans un puisard creusé au beau
milieu d'une galerie noire.
......Quand le garde nous vit sortir,
trois moutards de là-dedans, faits comme nous l'étions,
sa stupeur fut inimaginable. Il nous demanda s'il y en avait
encore d'autres au fond, et avant qu'il soit revenu à
ses sens, nous avions disparu dans le bois voisin de la Suave.
......Nous rentrâmes chez
nous vers dix heures et demie de la nuit, affamés et
fourbus, les mains poisseuses, pleines d'une écume noire
à odeur spéciale, et mouillés, et crottés
jusqu'aux oreilles, sales comme des diables roulés par
le torrent fangeux des mines profondes. Alexandre fut peu molesté,
mais Gustave reçut une flagellation qui en valait la
peine, de la part de sa mère, une grande et grosse femme
peu commode. A moi, on ne demanda rien du tout ; ma pauvre mère,
trop heureuse de m'avoir retrouvé indemne, se vengea
en me comblant de caresses plus passionnées que de coutume,
et mon père feignant de continuer son travail ne me dit
pas une parole de plus qu'à l'ordinaire. Ils avaient
sans doute peur qu'un jour je ne rentre pas du tout à
la maison. Leur coeur était faible ; ils ne savaient
pas punir ; j'étais le maître de ma petite personne.
.......Je dormis cette fois-là
quatorze heures d'affilée et manquai royalement toute
la classe du lundi, comme la chose m'arrivait d'ailleurs assez
fréquemment pour des occasions analogues à celle-ci.
......Par la suite, je donnai des
renseignements si précis à mon maître sur
la mine de Deneuille qu'il eut un soupçon, mais l'affaire
était trop grosse, je n'avouai pas...
......Dans mon enfance, j'élevai
et dressai plusieurs animaux : d'abord un porc que mon frère
appelait la Boulevasse parce que c'était une femelle.
La Boulevasse était parfaitement docile. Nous l'attelions
entre deux petits brancards cloués à une caisse
posée sur un essieu de bois qui passait au travers de
roues pleines sciées dans un rondin de chêne. Et
la bête nous promenait, à notre tour chacun, parmi
les jachères dénudées, obéissant
aux rênes tout comme il faut. Il n'y avait pour nous qu'un
inconvénient à ce sport magnifique, c'est que
l'essieu de bois se brisait parfois dans les cahots en tombant
au fond des sillons ; et pour en faire un autre en bois plus
dur encore, avec le seul couteau et la serpe, c'était
un travail de romain.
......J'eus aussi un mouton qu'un
ami de mon père m'avait apporté tout petit agneau
frisé, joli. Il devint gros bélier méchant,
à cornes recourbées en arrière, nous couchant
à terre à coups de tête, mon cher frère
et ma sœur aimée, quand nous l'appelions Cadet-Pouf.
Les camarades ne l'interpellaient qu'en grimpant aux arbres
ou en montant au pas de course les marches des escaliers de
greniers. Il fallut le vendre au boucher un jour vint, ce fut
une rude affaire.
......Je m'amusai encore avec le
chien d'un voisin : énorme terre-neuve gros comme un
veau, qui ne pouvait supporter de voir flotter quoi que ce soit
sur l'eau, et plongeait tel qu'un poisson jusqu'au fond des
étangs pour rapporter les cailloux que nous lui lancions.
......Enfin, je grimpai à
tous les arbres portant des nids ou des cerises et tentais d'apprivoiser
tous les oiseaux : merles, sansonnets, rossignols, pies, geais,
corbeaux.
......Une pie que j'élevai,
m'appelait parfaitement par mon prénom en grasseyant
un peu comme le font tous les oiseaux parleurs. Lorsque je dus
quitter le foyer paternel : grand conseil à la maison
entre mon père et ma mère au sujet de cette malheureuse.
Il fut décidé par eux que je devais lui rendre
la liberté, ce que je fis avec mille regrets en la portant
dans le taillis Dégoute. Je posai la petite amie sur
une branche, vers un fourré, mais elle se laissa choir
à terre exprès, et se mit à sautiller dans
les feuilles mortes de travers comme un oiseau blessé,
puis, à mon grand désespoir, ne voulut à
aucun prix: demeurer perchée. Elle se glissa finalement
par un trou au travers d'une haie et disparut dans le haut maquis
d'un grand champ de genêts à balai.
......Je rentrai désolé
à la maison, devinant bien que renard le rôdeur
l'aurait mangée avant le jour du lendemain. Et j'eus
encore comme compagnon l'âne Charles, le rapide coursier
doux comme une agnelle d'avril, acheté à Saint-Amand
et venant de Tronçais où il avait été
élevé. Ah ! celui-là, il est bien vrai
qu'il courait plus vite que les chevaux du pays et j'ose à
peine le dire.
......Pendant que j'allais à
l'école, un jour, un homme de haute taille en tenue de
cheval, entra tranquillement dans la classe, la cravache à
la main, botté jusqu'aux hanches, pour causer un peu
affaires de mairie avec notre maître, et dit tout à
coup en se retournant vers nous avec plus de vivacité
: " 0ù est un tel, qui pêche dans l'étang
de mon parc ? ". Tous les camarades me désignèrent
du doigt, sauf Alexandre qui baissa le nez parce qu'il était
venu avec moi pêcher les grenouilles à la ligne,
avec un chiffon rouge, dans l'étang du comte.
......L'homme magnifique me réprimanda
à peine, et je n'eus pas peur du tout parce qu'il parlait
très lentement d'une voix sans amertume.
......Les enfants vont partout
et ouvrent des barrières dont les parents n'oseraient
même pas s'approcher.
......Mais le comte ne savait pas
qu'avec Paul, le fils de son cocher, je montais sur ses chevaux
au manège, que la cuisinière parfois nous donnait
à quatre heures un bon petit pot de gelée aux
fruits, la même qu'il mangeait lui, et que souvent aussi,
quand le château était vide de ses hôtes,
nous prenions pour passe-temps d'hiver de tuer les moineaux
et les pies, par les lucarnes des écuries, avec ses beaux
fusils et ses cartouches de Saint-Etienne. Il ne savait pas
que nous poursuivions ses daims dans le grand parc avec des
chiens de berger, et même qu'un jour nous en avions capturé
un et ne lui avions parfaitement fait d'autre mal que de souples
caresses de la main, alors qu'il bêlait vaincu, couché
sur la pelouse. Il ne savait pas cela lui.
......Pour remercier mon maître
des bonnes leçons qu'il nous donnait et de la peine exagérée
qu'il prenait pour notre éducation, je l'aimais bien
et lui faisais connaître tous les jolis coins du pays.
......Quand nous partions en troupe,
il disait volontiers, c'est un tel qui conduit la promenade,
et je filais, filais devant, par delà les coteaux, au
bord d'un ruisseau chanteur, dans un pré sous les aulnes
et les peupliers frissonnants, près d'un petit barrage
et d'une cascade. Je montrais aux moutchachous du bourg, sans
cesse fourrés dans les jupes de leurs mères, les
beaux poissons argentés nageant entre deux eaux, dans
un rayon de soleil, les nids de merles cachés sous les
racines des berges creuses, les nids de perdrix exposés
au soleil en haut sur les talus. Je leur apprenais à
sauter les ruisseaux à la perche sans se mouiller les
pieds, à pêcher à la main sous les pierres
plates, à jeter en masse des feuillages de noisetier
et d'aulne dans les couches profondes des eaux du ruisseau pour
y faire se réfugier les petits vairons innocents, les
loches vigoureuses, les barbeaux défiants, qu'on attrape
ensuite à la main avec aisance, tout en marchant à
mesure avec les pieds déchaussés sur les feuilles
douces.
......Je leur montrai à
ne point passer la main dans un trou de pic-vert parce qu'on
ne peut plus la retirer, à tuer un reptile avec une badine
souple de coudrier qui se moule au terrain, à détacher
une sangsue ivre de sang avec une feuille juteuse empoisonnée,
d'euphorbe ou de renouée âcre qu'on presse entre
les doigts.
......Lorsque j'eus douze ans révolus,
on commença de me demander ce que je voulais faire, c'est-à-dire
quelle profession je désirais embrasser : comme je n'en
trouvai aucune, il fut alors décidé que j'irais
à l'école. Cette perspective satisfaisait assez
ma curiosité naturelle d'apprendre, bien que j'eus la
tête dure aux dires de mon père. C'est la classe
en pleins champs qu'il m'aurait fallu.
......Oui ! mais partir de la maison
où l'on est bien, quitter les siens et sa mère
quand on a douze ou même treize ans, est une chose affreuse
pour un petit cœur frêle et sauvage. Je décidai
alors dans ma tête que je devais devenir un homme d'un
seul coup : c'est-à-dire apprendre à me bien conduire
et à ne plus avoir peur. J'étais, en effet, devenu
peureux, sans raison aucune, en très peu de temps. Je
me figurais que j'aurais grand besoin de ne plus l'être
en partant de la maison, car je pouvais avoir à voyager
beaucoup la nuit, pour revenir chez nous.
......Dès les premiers jours
de cette résolution prise, je montais à la nuit
arrivée au fond du grand grenier à foin, pour
m'enhardir, avec les chats furieux qui miaulaient leurs amours,
et les rats aux yeux brillants qui me regardaient du haut des
charpentes, puis je pris le soir les chemins de campagne, qui
vont on ne sait où, sans but précis. Parfois,
je rencontrais des paysans attardés qui rendaient compte
à mon père, le dimanche en venant chercher leurs
bottes. J'entendais qu'il leur répondait oui, oui, je
sais, il vagabonde. Il était fort ennuyé, le pauvre
homme, et je dus lui apprendre que c'était simplement
pour m'habituer à ne plus avoir peur que je m'attardais
le soir. Lui qui n'avait peur de rien, m'approuva dès
lors, et ne fut plus inquiet.
......Toutes ces promenades nocturnes
sur les routes et les chemins me donnaient bien un peu de la
hardiesse commune à tous, mais ne me guérissaient
pas complètement de la grande frousse qui demeurait suspendue
au fond de mes culottes lorsque venait la nuit.
......Pendant plusieurs jours,
je ruminais dans ma tête qu'il n'y avait plus de revenants,
plus de sorciers, plus de meneurs de loups ni de loups, que
les chiens seuls pouvaient m'effrayer, et que je ne craignais
nullement les chiens même les plus méchants.
......Ces réflexions étant
faites, les hésitations terminées, un soir je
forçai le passage en chicane de la palissade du jardin
et descendis par les prés dans un bas-fond sauvage et
solitaire ayant beaucoup d'arbres, au bord d'un ruisseau, près
d'un taillis et d'un autre ravin plus peureux encore, vers d'immenses
champs de genêts à balai haut de deux mètres
grimpant aux coteaux. Là, je montai sur un gros rocher
rond moussu, endormi d'un sommeil éternel sous un peuplier,
et j'attendis la grande nuit à cet endroit, décidé
à mourir plutôt qu'à me sauver encore, avec
la peur attachée à mon corps.
......Mes cheveux se dressaient
sur mon crâne, une sueur froide humectait mes mains, et
je voyais en imagination une mère Frousse haute de douze
pieds, se promener silencieusement dans la nuit autour de moi.
Elle ouvrait une bouche large comme une gueule de four, et je
m'attendais à chaque minute à être saisi,
tel un joujou, entre le pouce et l'index, et emporté
par un pied ou bien avalé. Elle s'approcha, souffla sur
moi son haleine de folie, mais je ne bougeai pas.
......Vilain petit marmot, que
fais-tu là dans la nuit ? me disait cette grande sorcière.
......Je ne courus pas devant elle
la tête perdue.
......Tu ne veux pas t'en aller
!
......Non ! répondis-je
résolument.
......Alors, dans ce cas, je reviendrai
dans un moment voir ce que tu fais encore. En attendant, je
descends jusqu'au pont, danser derrière les grands peupliers
tremblants, pour faire peur aux écoliers en retard qui
s'amusent à jouer aux billes tout le long du chemin au
lieu de rentrer doucement chez eux. Et le petit Lucien, en voyant
l'ombre de mes grands bras s'agiter devant lui sur la route,
courra si vite de frayeur que son sac noir d'écolier
ne touchera plus son dos, tandis que sa petite sœur raisonnable,
déjà arrivée à la maison de ses
parents aimés, aura chaussé des sabots secs de
rechange et dégusté une tartine beurrée.
......Les grands hiboux venaient
aussi crier vers moi et me regarder avec leurs yeux immenses
stupéfaits. Ils criaient comme des sauvages, houhouhou,
à leur tour : que fait-il ici ce petit-là, à
cette heure ? Il faut rentrer chez toi, mon petit gars ! Je
ne les écoutais pas et demeurais, mais j'avais bien grande
envie de pleurer et j'aurais bien voulu être chez nous
à la clarté de la lampe.
......Des lapins de garenne couraient
sans doute dans la nuit, car des chiens de berger, bourrus comme
des ours, galopaient à travers les genêts en jappant
gnic gnac, par moments. Des renards et des blaireaux rôdaient
certainement, parce que, tout proche, était le taillis
Dégoute rempli de leurs terriers sur les pentes.
......D'autres petites bêtes
trottinaient sans arrêt par le pré, dans l'herbe,
c'étaient des hérissons ; j'entendais leur petite
respiration plaintive sifflante, et le froissement de leurs
piquants qui produisaient un drôle de petit bruit.
......Les rats d'eau poussaient
des cris aigus en se donnant la chasse ; ma peau tremblait sous
mes habits de velours quand des branches craquaient.
......Je revins plusieurs fois
à ce même poste sur le rocher, et en tirai le plus
grand profit, apprenant ainsi à discerner tous les bruits
de la nuit, car les bruits de la nuit ne ressemblent pas à
ceux du jour. J'appris aussi que la vie commence seulement pour
bien des êtres lorsque l'homme dangereux pour eux va se
coucher.
......Je devins vraiment moins
peureux, mais en y mettant un gros prix de lutte contre moi-même,
car l'attente dans la nuit est terrible et fait se dresser les
cheveux sur la tête quand on est petit, faible et désarmé.
Victor
MARTIN
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